Janvier-février 1985
Il y a trois sous-ensembles dans cette expositions photographiques de 1978-1979 ; des œuvres mixtes plus récentes (dessins et collages), et une vidéo réalisée sur place. Tous ces travaux témoignent d’un sens du secret et de l’étrangeté qui les situe dans la lignée des peintres métaphysique italiens, mais sans le bric-à-brac surréalisant.
Dans les œuvres photographiques Zaza utilise des visages massifs, énigmatiques (ceux de ses propres parents), ainsi que des vastes espaces (ciels ou murs), que ponctuent quelques signes d’interventions : traces de peintre sur les visages, petites sculptures de coton ou de mie de pain. Les visages et les formes enracinent profondément zaza dans un lieu (l’Italie du sud) et une histoire (celle de l’art religieux primitif, par exemple), tandis que les poses et les ponctuations viennent briser cette filiation et donnent au travail un caractère d’abstraction métaphysique. Les œuvres graphiques approfondissent le travail photographique, qui se trouve d’ailleurs, parfois intégré dans la construction d’un espace symbolique personnel, un microcosme dans lequel Zaza joue sur les tensions entre ombre et lumière et toute la gamme des gris, sur les angles et les arrondis, les gestes du tracé et d’intervention du collages. La vidéo (Cielo Abitato, 30mn) est un prolongement et un commentaire de ces œuvres récentes. En un sens, elle va tout à fait à l’encontre du médium par sa lenteur et son refus de la technique. Mais elle permet de mesurer la dimension sculpturale de son œuvre, ainsi que l’intensité qui l’habite. Visages et objets se déplacent dans les champs avec les mouvements extrêmement lent, des tremblements a peine perceptible ; par le jeu des ombres et de la peinture qui les recouvrent en partie, par les superpositions, les visages semblent éclater sous l’effet d’une tension très grande, avec en contrepoint l’immense sérénité du fond (le « ciel »). Il s’agit là d’une véritable vidéo d’artiste, passionnante en ce qu’elle est plus proche du travail plastique de Zaza que des recherches spécifiquement vidéographiques d’aujourd’hui. Ni reportage ni « délassement » dans un médium inhabituel, elle est l’évocation de la respiration et de l’attente profondément religieuse qui sont au cœur de l’œuvre de Michèle Zaza.